🇫🇷 | On a rencontré Extinction Rebellion à Bristol, là où tout a commencé. Revendications, organisation, rapports avec la police… Le Royaume-Uni a déclaré l’urgence climatique en mai dernier mais les militants d’un monde plus social et écologique ne s’arrêtent pas là.
🇬🇧 | We met Rebellion Extinction in Bristol, where it all started. Claims, organization, relationship with the police… The UK declared the climate emergency last of May but the activists for a more social and ecological world don’t stop there.
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C’est en plein coeur du quartier alternatif Stokes Croft que nous retrouvons les militants de Extinction Rebellion de « Bristol-Centre » pour leur réunion hebdomadaire. Tous les mercredis depuis un an, l’équipe du centre-ville de Bristol se retrouve au Malcolm X Community Centre pour préparer ses futures actions. Pour les quartiers sud et nord, les réunions se passent le mardi — parce que les militants sont nombreux, plusieurs centaines.
À la porte, nous rencontrons Roxanna, nouvelle dans la ville, qui se joint à nous : « C’est ma première réunion, j’ai entendu parler de Extinction Rebellion dans les médias et je suis curieuse de voir ce que ça donne » explique-t-elle.
Un tract est distribué dès l’entrée. Il rappelle entre autres, l’essence même du mouvement : « Extinction Rebellion [abregé XR] est un mouvement international qui revendique la désobéissance civile en recourant à des actions coup-de-poing non-violentes pour encourager les gouvernements à prendre des mesures contre le changement écologique et ses conséquences. »
Dans la salle polyvalente du centre social, les organisateurs se pressent, un buffet végé est dressé et les militants qui affluent petit à petit prennent place autour de tables rondes. En amont du repas, nous rencontrons Dave, un habitué de XR, avec qui nous échangeons quelques mots sur l’objet de ce rassemblement : « Les réunions comme aujourd’hui permettent de rester tous en contact, de rencontrer les nouveaux « rebelles » et de préparer nos futures actions. »
Bristol au premier rang
Les actions d’Extinction Rebellion, on les a vu démarrées à Londres en octobre 2018, deux ans après que le collectif Rising Up! ait échoué dans sa tentative de stopper l’extension de l’aéroport de Londres-Heathrow et décide de créer le mouvement XR pour trouver de nouvelles formes d’actions plus efficaces que les traditionnelles manifs de rue.
Leurs idées mûrissent avec les travaux de la chercheuse Erica Chenoweth, spécialiste des mouvements de résistance civile non-violente. À l’automne 2018, le journal britannique The Guardian publie une tribune signée par plus de cent universitaires. Ils appellent à l’action urgente face à la crise écologique et affirment leur soutien à ce nouveau collectif.
Le 31 octobre, un millier de manifestants déferlent sur la place Parliament Square à Londres, accompagnés de politiciens anglais, de députés européens et de la militante suédoise Greta Thunberg (qui assènera les politiques quelques temps plus tard de son « How dare you ? »). La « déclaration de rébellion » est lancée.
« La majorité des fondateurs du mouvement sont de la région de Stroud, juste à côté de Bristol »
« Bristol a suivi presqu’instantanément après la déclaration de rébellion, parce que la majorité des fondateurs du mouvement sont de la région de Stroud, juste à côté » nous éclaire Dave. La France se joint au mouvement en mars 2019, place de la Bourse à Paris. Blocages, Die-in, Critical Mass Bike… Les actions « coup-de-poing » mais pacifistes se poursuivent depuis partout dans le monde — selon Radio France International, le mouvement compte aujourd’hui plus de 100 000 militants dans 70 pays.
Le but de XR : forcer les gouvernements à reconnaître publiquement la gravité et l’urgence de la crise écologique actuelle et agir en conséquence. A l’international, le mouvement réclame, en 3 points : « la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2025, l’arrêt immédiat de la destruction des écosystèmes océaniques et terrestres, la création d’une assemblée citoyenne, par pays, chargée de décider des mesures à mettre en place pour atteindre ces objectifs. »
Au Royaume-Uni, leurs revendications ne sont pas vaines : « En mai 2019, le Parlement britannique a déclaré l’urgence climatique et une assemblée citoyenne est également en train de se mettre en place pour superviser la transition » raconte Dave. Mais selon lui, ce n’est pas suffisant : « Maintenant, on doit forcer le niveau politique à agir concrètement. Si nous relâchons la pression, le gouvernement peut revendiquer la victoire et se dire qu’il a fait ce qu’il avait à faire. Mais nous sommes très loin d’avoir gagné et agi en conséquence de la gravité de la situation. »
« Notre pays est en partie responsable de ce gâchis en ayant commencé la révolution industrielle et la consommation de masse, nous devons donc faire les premiers pas »
Loin de lâcher du leste, le Royaume-Uni se place en tête de file du mouvement : « Nous devons montrer la voie à l’échelle mondiale. Notre pays est en partie responsable de ce gâchis en ayant commencé la révolution industrielle et la consommation de masse, nous devons donc faire les premiers pas » poursuit le militant.
L’échelle individuelle ou locale peut-être contribuer à sauvegarder la planète ? « Planter des arbres ou vivre parfaitement en tant qu’individu, avec un impact nul, c’est complètement compensé par l’énorme impact du capitalisme. On doit encourager les choix et les actions personnelles mais cela ne résoudra pas le problème » conclue-t-il.
Pacifisme des deux côtés
Après ce bref entretien, Dave décide de nous faire rencontrer deux des plus engagés du mouvement à Bristol : James, coordinateur de la collecte de fonds et David, ancien membre de l’association Rising Up! — précurseuse de XR.
« Lorsque c’est violent, les médias se concentrent uniquement sur ça plutôt que sur la cause de la protestation »
Ils nous rappellent, entre autres, la volonté pacifique du mouvement : « Souvent, on bloque des routes. Cela nous permet d’avoir des espaces d’expression sans trafic, les gens peuvent venir en famille et se sentir en sécurité. Quiconque cherche à être violent est exclu du mouvement », explique David, « c’est très différent des manifestations passées au Royaume-Uni. On a choisi la non-violence notamment parce que lorsque c’est violent, les médias se concentrent uniquement sur ça plutôt que sur la cause de la protestation. »
La police répond-elle à leur pacifisme par des LBD 40, comme en France ? « On est vraiment chanceux ici. La police peut être un peu agressive, te sortir de la route mais personne n’est plaqué sur le sol ou ne reçoit de coups », raconte James, « on voit les images en France et on trouve ça horrible. Ici, on essaie d’avoir des relations respectueuses avec les forces de l’ordre et on pense que ça marche parce que beaucoup d’entre eux partagent les mêmes préoccupations que nous. Quand on leur parle de l’avenir de leurs enfants, en tant qu’individu, forcément ça connecte et c’est encourageant pour la suite. »
A Bristol comme ailleurs, Extinction Rebellion défraie la chronique. Pour le mieux si l’on suit les prédictions catastrophiques des plus savants scientifiques et du dernier rapport du GIEC. Mais pour le pire, lorsque le 20 novembre dernier, l’un des co-fondateurs du mouvement, Roger Hallam, a tenu des propos plus que douteux sur l’Holocauste dans le journal allemand Die Zeit. Mais XR, dans sa globalité, déplore et se dé-solidarise de ses propos, appelant à l’exclusion de l’activiste.
S’il semble indéniable que le sursaut écologique mondial arrive à point nommé, Extinction Rebellion est souvent accusé d’alarmisme. Mais lorsque l’on connaît, depuis 1972, date de la publication du rapport Meadows, les dangers de la croissance économique sur la planète ; que l’on voit la plupart des Etats ne pas tenir leurs accords sur l’écologie ; que les plus haut-placés achètent déjà des bumkers — craignant la fin du monde qu’ils participent à créer, le silence des gouvernements n’en dit-il pas plus long sur leur conscience de la catastrophe à venir qu’on ne veut bien se l’avouer ?
📝 © Eva-Marie Debas
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« If we take pressure off, the government can claim victory but we’re far from winning »
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It’s in the heart of the alternative district Stokes Croft that we meet the Extinction Rebellion activists of « Bristol-Centre » for their weekly meeting. Every Wednesday for the past year, the Bristol City Centre team has been meeting at the Malcolm X Community Centre to prepare its future actions. For the southern and northern districts, meetings are held on Tuesdays — because there are many activists, several hundred.
At the door, we meet Roxanna, a newcomer in the city, who joins us : « This is my first meeting, I heard about Extinction Rebellion in the media and I’m curious to see how it goes » she explains.
A leaflet is distributed as soon as we enter. Among other things, he recalls the very essence of the movement : « Extinction Rebellion [abbreviated XR] is an international movement that claims civil disobedience by using non-violent punching actions to encourage governments to take action against ecological change and its consequences. »
In the multipurpose hall of the social centre, the organizers are rushing in, a vegetarian buffet is set up and the activists who come gradually take place around round tables. Before the meal, we meet Dave, an XR regular, with whom we exchange a few words about the purpose of this meeting : « Meetings like today enable us to stay in contact, meet the new « rebels » and prepare our future actions. »
Bristol in the front row
The Extinction Rebellion actions began in London in October 2018, two years after the Rising Up! collective failed in its attempt to stop the expansion of London-Heathrow Airport and decided to create the XR movement to find new forms of action more effective than traditional street demonstrations.
Their ideas are maturing with the work of the researcher Erica Chenoweth, a specialist in non-violent civil resistance movements. In the fall of 2018, the British newspaper The Guardian published a press box signed by more than 100 academics. They call for urgent action in front of the ecological crisis and affirm their support for this new group.
On the 31st of October, a thousand demonstrators arrive on the Parliament Square in London, accompanied by English politicians, European deputies and the Swedish activist Greta Thunberg (who would later asserts the policies of her « How dare you? »). The « declaration of rebellion » is launched.
« The majority of the movement’s founders are from Stroud, near Bristol »
« It starts almost immediately in Bristol because the majority of the movement’s founders are from the Stroud, near Bristol » Dave explains. France joined the movement in March 2019, at Place de la Bourse in Paris. Roadblocks, Die-in, Critical Mass Bike… The « punching » but pacifist actions have continued since then all over the world — according to Radio France International, the movement now counts more than 100,000 activists in 70 countries.
XR’s goal : to force governments to publicly acknowledge the seriousness and urgency of the current ecological crisis and act accordingly. Internationally, the movement calls for, in three points : « the reduction of greenhouse gas emissions to achieve carbon neutrality by 2025, an immediate halt to the destruction of oceanic and terrestrial ecosystems and the creation of a Citizens’ Assembly, per country, to decide on the measures to be put in place to achieve these objectives. »
In the UK, their demands are not in vain : « In May 2019, the British Parliament declared the climate emergency and a Citizens’ Assembly is also being set up to oversee the transition » says Dave. But according to him, this is not enough : « Now we must force the political level to take concrete action. If we take off the pressure, the government can claim victory but we’re far from winning in view of the seriousness of the situation. »
« Our country created most of this mess in starting industrial revolution and mass consumption so we have to make the first moves »
Far from giving up, the UK is at the forefront of the movement : « We must lead the way on a global scale. Our country created most of this mess in starting industrial revolution and mass consumption so we have to make the first moves » continues the activist.
The individual or local scale can help to save the planet ? « Planting trees or living perfectly as an individual, with a zero impact, is completely balanced by the enormous impact of Capitalism. Personal choices and actions should be encouraged, but this will not fix the problem » he concludes.
Pacifism on both sides
After this brief interview, Dave decided to let us meet two of the most committed members of the movement in Bristol : James, fundraising coordinator and David, a former member of Rising Up! —precursor of XR.
« When it’s violent, the media focuses only on that rather than on the cause of the protest »
They remind us, among other things, of the peaceful will of the movement : « Often, we block roads. This allows us to have spaces of expression without traffic, people can come with their families and feel safe. Anyone who seeks to be violent is excluded from the movement » David explains, « it’s very different from past strikes in the UK. One reason for choosing non-violence is that when it is violent, the media focuses only on that rather than on the cause of the protest. »
Do the police answer to their pacifism with LBD 40, as in France? « We’re really lucky here. The police can be a little aggressive, get you off the road but no one is dumped on the ground or beaten » James says, « we see the pictures in France and we think it’s horrible. Here, we try to have respectful relationships with the police and we think it works because many of them share the same concerns as us. When we talk to them about their children’s future, as an individual, it necessarily connects them and it’s encouraging for the future. »
In Bristol, as elsewhere, Extinction Rebellion is in the news. For the better if we follow the catastrophic predictions of the most learned scientists and the latest IPCC report. But for the worst, when on November 20, one of the movement’s co-founders, Roger Hallam, made highly questionable statements about the Holocaust in the German newspaper Die Zeit. But XR, as a whole, deplores and dissociates itself from his remarks, calling for the exclusion of the activist.
While it seems undeniable that the global ecological surge is timely, Extinction Rebellion is often accused of being alarmist. But when we know, since 1972, when the Meadows report was published, the dangers of economic growth on the planet ; when we see that most States don’t keep their agreements on ecology ; when the highest placed already buy bumkers — fearing the end of the world they’re helping to create, does not the silence of governments tell us more about their awareness of the disaster to come than we want to admit it ?
📝 © Eva-Marie Debas
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Illustration : © XR / Royalty-free